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Reportage/Haut Karabagh

MARIA, VEUVE A 32 ANS ET MERE-COURAGE

Hadrout (Haut Karabagh). Maria Krikorian, 32 ans est veuve. Mère de quatre enfants, la vie de Maria relève du parcours de combattant depuis la disparition de son mari, Serguei, sur le front de Mardakert en 1992.

"Chaque jour apporte ses difficultés, ses joies et ses peines. Difficultés économiques, car comment faire pour joindre les deux bouts avec moins de 5000 trams par mois, soit l'équivalent de six à sept dollars, pour nourrir une famille de cinq personnes ? " se lamente Maria. Avec pour seuls revenus une pension versé par la République du Haut Karabagh aux familles des combattants disparus, plus une allocation complémentaire pour les enfants, Maria est condamnée à faire preuve de beaucoup de débrouillardise pour joindre les deux bouts et nourrir convenablement sa famille.

"La scolarité des enfants est prise en charge par l'Etat, les vêtements et chaussures, nous les disposons grâce à une antenne d'aide humanitaire internationale basée à Stepanakert. Quant à la nourriture, on se débrouille avec l'élevage de quelques poulets et porcs dans notre ferme, et dans notre lopin de terre, nous disposons de quelques arbres fruitiers en plus des plantations de salades et de pomme de terre" lance Maria, le visage quelque peu marqué par les épreuves de la vie.

Mais, fière comme la plupart des Karabagtsis, Maria ne se plaint pas de son sort. "C'est notre vie, il en est ainsi. L'essentiel pour moi est d'élever mes enfants dans la discipline familiale et dans le souvenir de leur père qui les aimait tant. Un père qu'ils ne connaissent que par les photos accrochées aux murs de la maison, car ils étaient très jeunes lors de sa disparition" reprend Maria en fixant longuement la photo de ce jeune combattant en armes qui trône sur le buffet du salon. Maria commente en larmes, "Serguei était très courageux. Blessé à plusieurs reprises sur les fronts de Hadrout et Fizouli, avant même d'être complètement rétabli, il repartait au front rejoindre ses camarades. Lors de son dernier combat, aux environs de Mardakert, en compagnie de huit combattants, Serguei était tombé dans une embuscade tendue par les Azéris. Luttant inégalement à un contre dix, en en imposant de lourdes pertes à l'ennemi, Serguei et ses compagnons périrent dans l'honneur. Leurs corps, horriblement mutilés, furent récupérés par les forces arméniennes, trois jours après la bataille inégale. C'était dramatique. Mais c'était ainsi et il fallait l'accepter tel quel. Car cette guerre de libération demande des sacrifices énormes....".

La dignité de Maria n'a d'égale qu'avec son courage et cet honneur de jeune veuve, mère de famille nombreuse qui n'a qu'une seule et unique mission: se sacrifier pour ses enfants.

"Presque chaque semaine, avec les enfants, nous rendons visite à Serguei, au cimetière des héros. Nous lui parlons et les enfants disent entendre parfois la voix de leur père. Une voix qui leur demande de protéger leur mère, de faire des études et servir la famille et la patrie." reprend Maria et ajoute "la disparition de Serguei est une cicatrice qui ne se fermera plus jamais. Mais la vie a également ses raisons et il faut s'adapter. Chaque famille du Haut Karabagh a son martyr. Mais les années qui passent nous obligent à nous tourner vers l'avenir et à ceux de nos enfants. La terre du Haut Karabagh a connu depuis des millénaires la guerre et la paix. Sachons profiter des instants de paix après la victoire chèrement payée en vies humaines et privations".

Maria, c'est décidé ne se remariera plus car dit-elle "je voudrais rester la mère de mes enfants, et dans le souvenir de leur père, toute leur vie". Sa vie, elle l'a offert à ses enfants. A cette petite famille soudée autour d'une mère-courage. Une histoire parmi des milliers d'autres qui parsèment la terre du Haut Karabagh...

Hadrout (Haut Karabagh)

Krikor Amirzayan

Journaliste-Caricaturiste