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- ARMENIEN DE LA DROME
L'Eldorado arménien de la Drôme La Drôme serait-elle pour les Arméniens, un département synonyme de réussite ? Cet eldorado arménien de la Vallée du Rhône recense deux réussites internationales, le styliste de mode Alain Manoukian et le chausseur Stéphane Kélian, tous deux originaires de Romans. Sans oublier Jacques Markarian, P.D.G. de Markal, leader européen du boughlour. Dans cette France profonde, le dynamisme des communautés arméniennes peut s'avérer comme un modéle d'intégration. Une réussite socio-économique qui ne néglige pas les valeurs culturelles arméniennes. Krikor Amirzayan, journaliste et caricaturiste (auteur de Yerkidzamard Erévan 1995), a dressé pour les Nouvelles d'Arménie Magazine, un tableau historique, social et communautaire de ces Arméniens de la Drôme.(Article paru dans les "Nouvelles d'Arménie Magazine, N° 23 Mai 1997).
Valence, la ville arménienne L'arrivée des Arméniens Valence, cette ancienne ville romaine, à 100km au sud de Lyon, sent déjà le Midi. Valence, dont prés de 7 500 de ses 80 000 habitants sont d'origine arménienne. Soit prés de 10% de sa population, l'un des taux les plus forts de densité arménienne de l'Hexagone. Valence, au milieu de ce couloir rhodanien, véritable épine dorsale des Arméniens. Des Arméniens qui longeaient le Rhône à leur arrivée à Marseille, en direction du Nord, avec Avignon, Montélimar, Valence, Vienne, Lyon et ses flots arméniens. Marseille, à 200 km au sud de Valence, était ce port des naufragés de l'Histoire, en ce début des années vingt. Des centaines d'Arméniens, jeunes et volontaires, débarquaient sur les quais de la Joliette, en attente de travail, synonyme de dignité et d'intégration. Une main-d'oeuvre tant prisée dans cette France d'après guerre où des millions d'hommes manquaient à l'appel de l'armistice.
L'amitié franco-arménienne... Ces chrétiens orientaux, dont on ignorait tout ou presque de leur culture, n'avaient qu'une seule et bonne réputation: celle d'être des vaillants travailleurs. Une réputation qui ne devait pas rester sans échos dans les oreilles des industriels de l'époque, grands consommateurs de main-d'oeuvre bon marché. La communauté arménienne de Valence, se fonda sur la conjugaison de ces différents facteurs, lorsqu'en 1922, un groupe de patrons valentinois, "descendit" à Marseille pour ramener à Valence prés de 150 Arméniens destinés à servir dans les usines-fonderies et autres soieries de la région. Pris en charge conjointement par la mairie et le groupe de patrons, ces ouvriers arméniens sont logés au centre de la ville, principalement autour des rues Bouffier et Balthazar Baro, à 15-20 personnes dans la même chambre. Ces rescapés du génocide portaient, sur leur visage, l'horreur du drame arménien de 1915, et n'avaient qu'un seul et unique désir: vivre et fonder un foyer. Si de nos jours, l'amitié franco-arménienne est largement évoquée comme élément d'intégration réussie des Arméniens, on ne peut pas dire que l'arrivée et l'intégration des Arméniens à Valence, ait donné l'occasion à des liesses en l'honneur de la fraternité humaine. Bien au contraire ! L'accueil des Arméniens par la population locale fut froid. Et même glacial. Car si les intellectuels français connaissaient l'ampleur du drame arménien et quelque part la culture du premier peuple chrétien, l'ensemble du peuple français ignorait tout ou presque des Arméniens. Certains les apparentaient aux Juifs ou Tsiganes. D'autres aux...Turcs ! Mais rien d'étrange à cette assimilation: les premiers Arméniens de Valence parlaient pour la plupart, la langue officielle de l'Empire ottoman, ces émigrés étant pour une partie importante originaire de Malatia, Kharpert et Boursa.
Le dynamisme de la communauté Quatre ans après leur installation, en 1926, le nombre des Arméniens établis à Valence était de 1 260 sur une population de 28 500. Une communauté étoffée par la venue de familles des premiers arrivants. Des immigrés de fraîche date qui consolidaient leur réputation de travailleurs acharnés, créant la jalousie de certains habitants, et la considération de beaucoup d'autres Valentinois. Ouvriers peu qualifiés pour leur écrasante majorité, artisans, les Arméniens de Valence grimpaient néanmoins les échelons de la promotion sociale, sans toutefois nouer de réels liens avec la population locale. La barrière de la langue, et les gestes de protection d'une communauté marquée par le génocide, n'étaient pas des facteurs favorisant la communication. De l'autre coté, dans cette ville où la bourgeoisie commerçante et industrielle était fortement implantée, les Arméniens ne pouvaient représenter, aux yeux de la population, pas plus que des "agents économiques bon marché". Repliés sur leur communauté, les Arméniens allaient crier dès le milieu des années vingt, un club de football, l'Association sportive Arménienne, puis l'Union Nationale, qui se chargeait de gérer toutes les affaires sociales, juridiques et autres, liées aux Arméniens. Suivant les premières associations, les trois partis politiques arméniens traditionnels, la FRA, les Ramgavars et les Hentchaks, allaient très vite fonder leurs sections valentinoises. Re dynamisant l'activité politique de la communauté. Un dynamisme quelque peu éclatant, donnant de temps à autres à des partis, des pugilats entre factions politiques rivales...
La fin du rêve de retour aux terres arméniennes Des partis qui ravivaient la nostalgie du pays perdu, donnant néanmoins, l'espoir d'un retour aux terres. Mais lorsqu'en 1931, un jeune Arménien épousait une Française de souche, une fracture déchirait cet idéal... Cette "terre promise" était offerte en 1947 aux quelque 200 candidats au retour dans la patrie soviétique. Mais l'échec de cette vague allait une nouvelle fois plonger la communauté arménienne dans le désarroi. Le retour tant espéré n'était pas pour l'heure...Et dès le début des années cinquante, le nombre de mariages mixtes allait se multiplier pour atteindre vingt ans plus tard, en 1970, près de 50% des unions. Cette période d'intégration-assimilation est aussi marquée par les premiers signes tangibles d'une certaine réussite économique. Valence compte de très nombreux commerçants et artisans arméniens (chaussures, textile, bijouterie principalement) ainsi que quelques industriels. Au nombre de ces derniers, les établissements Dziranian & Djιranian emploieront dans les années 1970 jusqu'à 400 salariés dont près de la moitié Arméniens.
L'intégration et dynamisme des associations L'intégration est là. Mais aussi l'assimilation...qui se manifeste par la perte progressive de la langue. Aussi, l'arrivée d'une vague de nouveaux immigrés arméniens, principalement de Syrie, dans les années 1960-1970 allait quelque peu revitaliser la communauté arménienne de Valence. Suivie de la vague des Arméniens ayant fait la guerre du Liban, après 1976. Aujourd'hui la communauté,de plus de 7 500 membres, a su malgré les ravages de l'assimilation d'une partie de ses membres, garder l'image d'une communauté dynamique, regroupée autour de ses institutions culturelles, religieuses et associatives. L'église de St Sahag, véritable centre névralgique de la communauté, abrite au 12 rue de la Cécile, une magnifique cathédrale catholique, aménagée en église arménienne. Le maître des lieux, le Père Antranig Maldjian a également la charge de l'école, se trouvant à deux pas de là, dans l'enceinte du Centre Communautaire. L'Eglise Evangélique Arménienne (rue Roger Salengro), dispense également des cours d'arménien à une quarantaine d'élèves, prise en charge par le pasteur Jacques Tchoghandjian et une équipe d'enseignants bénévoles. Tout comme à la Maison de la Culture Arménienne (rue Pompey) où la Croix Bleue Arménienne, ouvre chaque mercredi, ses portes à une cinquantaine d'élèves. La MCA est aussi le siége de la section Homénetmen (football) ainsi que la radio arménienne "Radio A" qui diffuse sur 97,8 FM. C'est également ici que se trouve le siége de la FRA locale et du Nor Séround. Dans le paysage culturel arménien de Valence, notons aussi la présence de l'église des frères Maranatha (rue du Paradis), dirigée par le Pasteur Serge Maghakian, ainsi qu'une paroisse catholique arménienne. Dans cette ville où "les Arméniens se sentent chez eux" selon bon nombre de Valentinois, pas moins de 28 associations arméniennes viennent confirmer la mosaïque de pansées et d'un certain dynamisme de la vie communautaire, en laissant toutefois le doute quant à l'efficacité et la cohésion de la communauté face à cette profusion d'associations. Et le proverbe arménien disant que "deux Arméniens réunis, formeront à eux deux, pas moins de trois associations" est à Valence une semi-réalité ! Des trois partis traditionnels de la diaspora arménienne, deux sont représentés aujourd'hui à Valence, la FRA et la parti Ramgavar-Azadagan. Autour du premier, installé au sein de la MCA, se greffent des "organisations soeurs" telles que la Croix Bleue ou le Homénetmen. Ce dernier disposant d'un club de football jouant en "district" ainsi que d'une section de scouts. Tandis que, proches du parti Ramgavar, gravitent l'UGAB et sa section "Jeunes", avec une équipe de basket et une troupe de danse.
Associations nouvelles Phénomène des dernières années, face à l'essoufflement apparent des activités communautaires -effet de fatigue post-séisme et indépendance, ou encore début d'assimilation ?- Valence enregistre la naissance d'associations indépendantes de toute tendance politique. Au nombre de ces dernières nées, citons Spiurk-Arménie (humanitaire), Terres d'Arménie (humanitaire-Artsakh) et Arménia (culturelle). Des associations qui recueillent souvent des éléments dynamiques de la communauté qui tendent à re dynamiser la vie associative quelque peu terne et boudée par un nombre croissant de jeunes arméniens. Ces associations nouvelles sont par ailleurs montrées du doigt par les anciennes, qui vivent le partage et une perte sensible de leur auditoire. De boycotts en complots larvés et attaques diverses, les nouvelles associations accumulent sur elles, l'ensemble des maux de la communauté. Accusées de faire le surnombre dans un paysage associatif déjà fortement saturé...Seul point de ralliement de ces associations arméniennes: la stèle du génocide, chaque 24 avril, et les quelques timides tentatives d'union autour des dates nationales comme le 21 Septembre (indépendance de l'Arménie) ou le 24 avril. Seule association qui ne souffre pas de cette discrimination inter-associative, l'ASOAV (Association Sportive d'Origine Arménienne de Valence), le club arménien de football, qui évolue en Deuxième division nationale. Formée de professionnels, l'ASOAV qui accéda voici quelques années à la Seconde division du Championnat de France de football, avec son joueur arménien vedette, Hamlet Makhitarian -aujourd'hui disparu- est une équipe dont les dirigeants sont en majorité des Arméniens. Comme son président actuel Jacques Markarian, qui remplaça en début de la saison 1999-2000 l'ex-président Arthur Artinian. Valence où évoluérent le défenseur Michel Terzian et le gardien Vincent Yazmadjian et aujourd'hui Eric Assadourian. Eric Assadourian qui disputa plusieurs rencontres au sein de la sélection d'Arménie. Avec l'Ararat en logo, l'ASOAV est le seul club du championnat de France professionnel à origine "étrangère" ! "Que serait Valence sans ses Arméniens ?" se demandait dernièrement un poète local, Michel Ageron, grand ami des Arméniens. Une question dont la réponse nous est connue ! Krikor Amirzayan (d'après article paru dans "Nouvelles d'Arménie Magazine" numéro 23, mai 1997, mise à jour par Krikor Amirzayan, l'auteur de l'article)
Romans: la force de l'union Romans, la capitale française de la chaussure, patrie de Stéphane Kélian (les frères Kéloghlanian) et du célèbre styliste et homme d'affaires, Alain Manoukian, est une petite ville paisible de prés de 30 000 habitants dont 800 Arméniens, en lisière de l'Isère. A moins d'une vingtaine de kilomètres de Valence l'arménienne", Romans pouvait souffrir d'écrasement. Et si, selon les théories universelles, Romans aurait du être "absorbé" par l'intense vie communautaire de Valence, la réalité nous prouve dans ce cas précis, qu'il y a parfois des exceptions à la règle. Car Romans a su habilement développer une vie communautaire propre...attirant même parfois, la communauté arménienne de Valence, dans ses actions. Les premiers Arméniens s'installèrent à Romans dés 1924. Il fallut cependant attendre le milieu des années trente, pour que les immigrants se restructurent afin de former une communauté. Ainsi, la première organisation arménienne vit le jour en 1936 autour d'une école accueillant quelques dizaines d'élèves. En 1965, la célébration du Cinquantenaire du Génocide de 1915 allait donner à la jeunesse arménienne de Romans, un nouvel élan, aboutissant à la création de l'Amicale des Arméniens de Romans-Bourg-de-Péage. Avec pour premier président Gabriel Der Baghdassarian qui passera le relais en 1977 à Serge Karagozian. En 1981, lorsqu' Azad Chétanian arrive à la présidence, le projet de la construction d'un siége, appelé "maison Sévan" sur un terrain de 3 500 mètres carrés, sur les bords de l'Isère, était largement avancé. Financé par de généreux mécènes -la région ne compte-t-elle pas Alain Manoukian et Stéphane Kélian ?- la maison Sévan est inaugurée en octobre 1988. Un très harmonieux ensemble, imaginé par l'architecte Jacques Képénékian, rappelant par ses formes, les style arménien. Avec cette réalisation, la vie communautaire des Arméniens allait prendre un nouvel essor, la maison Sévan devenant le centre des activités de la région, avec le célèbre Tachdahantés de juin, réunissant prés d'un millier de personnes, ainsi que diverses rencontres culturelles avec des invités d'Arménie ou de la diaspora. L'école, regroupant chaque mercredi une quarantaine d'enfants est aussi le pôle d'activités de l'Amicale. Une école à laquelle Mlle Nora Békmézian donna ces dernières années un regain d'activité, avant de transmettre la direction à Tamar Gharibian. L'Amicale, dont la présidence est assurée depuis 1995 par Aram Nazarian, qui succéda à Azad Chétanian, disparu prématurément en 1996, est la seule association arménienne de Romans. Et c'est sans doute l'une des raisons de son dynamisme et sa réelle efficacité dans un esprit d'union, de cohésion autour des valeurs arméniennes. Union qui se manifesta lors du soutien du Fonds "Hayastan", la communauté arménienne de Romans apportant une aide record (toutes proportions gardées). Grâce aux efforts de Mgr Norvan Zakarian, l'église catholique Saint Nicolas a été mise à la disposition des Arméniens de Romans, en avril 1989, pour une durée de trente ans renouvelable. Une église dont la gestion relève de l'Amicale, et le service, d'abord assuré par le Père Zadig Avédikian, fut transmis au Père Narég Vartanian. Comment aborder Romans sans évoquer l'actif journaliste et "amicaliste" Jacques Tchékémian. Tout comme les frères Tashdjian, acteurs nés, qui excellent dans les représentations d'Hagop Baronian ou de Sheakspeare. Comment oublier le chef d'orchestre Alexandre Siranossian et sa fille Chouchane la virtuose? Comment oublier, enfin, le sculpteur Toros (Raskélénian), auteur de nombreuses statues sur le thème du Génocide arménien ? L'efficacité est, en matière arménienne, d'abord dans l'union. Et les quelque 800 Arméniens de Romans semblent, sous cet angle, défier Valence et ses quelque 7 500 Arméniens...ainsi que ses 28 associations rebelles... Krikor Amirzayan (d'après article paru dans "Nouvelles d'Arménie Magazine" numéro 23, mai 1997, mise à jour par Krikor Amirzayan, l'auteur de l'article) |
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