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Communautés
- ARMENIEN DE LYON
La communauté arménienne de la région de Lyon est après Paris et Marseille, la troisième en importance numérique avec prés de 40 000 membres. Une communauté dont le dynamisme et la vitalité la placèrent souvent au rang de leader de la vie arménienne de France. A l'exemple des activités du CDCA (Comité de Défense de la Cause Arménienne) dans les années soixante-dix et quatre-vingt. A l'exemple aussi du mensuel "France-Arménie", dont le tirage record (21 500 exemplaires) au début des années quatre-vingt rayonnaient la vitalité de l'activité arménienne de Lyon, sur tout l'Hexagone. Journaliste et caricaturiste auprès d'une cinquantaine de titres de la presse arménienne tant d'Arménie que de la diaspora, Krikor Amirzayan, auteur de deux ouvrages de caricatures ("Yerkoidzamard"- Erévan 1995 et "Oh! Arménie, Arménie... "- Erévan 1999) dresse pour nous un dossier édifiant et éminemment intéressant, sur ces Arméniens de Lyon.
Les premiers Arméniens établis à Lyon L'antique Lugdulum, Lyon, capitale des Gaules est aujourd'hui avec ses quelque trente à quarante-mille Arméniens, la troisième communauté arménienne de France par son importance numérique. L'un des premiers Arméniens de la cité gallo-romaine, dressée entre la Saône et le Rhône, fut selon certaines sources, Saint Irénée (135-208), natif d'Asie Mineure, victime des persécutions des chrétiens par les troupes Romaines. Lugdullum fut, on le sait, le berceau de la propagation du christianisme à travers toute la Gaule. Des nombreuses sources littéraires et historiques font état, durant les siècles futurs, de marchands Arméniens, installés ou de passage à Lyon. Ce mouvement allait s'amplifier par la promulgation en 1669 par Colbert, d'un édit favorisant l'installation des négociants Arméniens à Marseille. Placée sur l'axe Marseille-Paris, Lyon allait très vite attirer de nombreux Arméniens qui établissaient des relations commerciales entre la ville et l'Arménie ou la Cilicie. Lyon étant la capitale de la vallée Rhodanienne, spécialisée dans la soie et les étoffes, était un débouché et un marché idéal pour les professionnels arméniens du textile, ainsi qu'un lieu d'approvisionnement pour les riches familles arméniennes, attirées par les belles étoffes. Les archives de la ville, recensant les premiers Arméniens, font état de quelques marchands Arméniens, installés à Lyon à la fin du XIXe siècle. Il s'agit tout d'abord d'un Arménien venu de Constantinople en 1877, Raphaël Aram Der-Zakarian, qui fit fortune dans les soieries et le commerce des tissus. Suivi en 1894 par un certain Stépan Garabédoghlou, venu à Lyon écouler la production familiale de soie provenant du "Yerguir" (pays). Un troisième Arménien, Sarkis Altounian, vint également s'établir dans la ville, pour finalement rentrer au pays en 1911. Ces quelques commerçants et artisans Arméniens, aidés par un petit nombre d'étudiants Arméniens établis à Lyon, fondent en ce fin du XIXe siècle, une petite association patriotique du nom de "Massis".
La naissance de la communauté arménienne de Lyon Cependant, jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, les seules communautés arméniennes de France étaient établies à Paris et Marseille, soit prés de 4 000 Arméniens au total. Lyon, avec ses quelques dizaines d'Arméniens, ne formant pas une réelle communauté. Il fallut attendre le début des années 1920, et l'afflux de milliers de rescapés du Génocide "échouant" à Marseille, pour que Lyon, située dans cette Vallée du Rhône, véritable couloir de transit, puisse bénéficier de l'installation d'un nombre important d'Arméniens. La région Lyonnaise ayant dans cette période d'après-guerre, un besoin immense de main-d'oeuvre immigrée, peu qualifiée et bon marché, dans ses soieries, tanneries et usines. Les Arméniens, qui connaissaient déjà la production de la soie au "yérguir" (pays en arménien), formérent trés vite cette population ouvrière idéale. Des travailleurs réputés infatigables, dociles et sans une réelle revendication sociale. Un véritable trésor pour le patronat de l'époque...
Les premières structures communautaires La communauté arménienne de Lyon, devait très vite s'organiser autour de ses institutions. Ainsi, en 1918, Stépan Garabédoghlou fondait l'Union Nationale Arménienne, signe de la naissance d'une activité communautaire organisée et structurée autour d'une institution. La ville qui comptait déjà en 1924 prés de 500 Arméniens, avait six ans plus tard, en 1931, une communauté arménienne de prés de 7 000 membres. Salles de réunion et lieux de culte allaient rapidement s'édifier. Les partis politiques dit "traditionnels" de la diaspora s'activaient autour des idéaux propres à chaque organisation, prenant pour les uns un retour vers le fameux "yérguir", et pour les autres, appelant à une franche et constructive collaboration avec l'Arménie soviétique, jugée comme une patrie renaissante. Parmi les partis politiques arméniens, la FRA Dashnaktsoutioun semblait se tailler "la part du lion", avec de nombreuses sections ou cellules telles qu'Ardziv, Gaοdzag, Tejokhk, Kéri, Knouni ou Gougounian, plaçant Lyon au rang de place forte du parti Dashnaktsoutioun en France, avant la Seconde Guerre mondiale. Un parti qui écrasait ainsi sous son poids, les organisations arméniennes patriotiques ou compatriotiques, philanthropiques (à l'exemple de l'UGAB), sportives et culturelles.
L'aide du président Français Edouard Herriot La crise de 1929 frappera de plein fouet les Arméniens. Un bon nombre d'ouvriers dans les usines automobiles, tanneries et soieries de la région, se retrouvent à la rue. Sans statut et sans protection sociale. L'Union Nationale Arménienne -dont le président d'honneur n'est autre que le Lyonnais Edouard Herriot, Président de la République mènera une vaste campagne d'aide aux Arméniens les plus démunis.
Inauguration de la Maison de la Culture Arménienne En 1932, dans la banlieue arménienne de Lyon, à Décines, était inaugurée la Maison de la Culture Arménienne "Archag Djamalian", dans la rue du 24 Avril 1915. Aujourd'hui encore, cette battisse reste l'un des centres les plus actifs de la région Lyonnaise, sous la conduite de sa directrice de talent, Mme Hilda Tchoboοan. Et même si ces dernières années, un déclin sensible des activités arméniennes est ressenti à Lyon comme partout en France, la Maison de la Culture Arménienne de Décines reste l'un des phares du combat arménien pour la culture et la revendication politique.
La communauté se structure La communauté arménienne de Lyon avait également centré ses efforts sur l'éducation et la langue, avec dés 1937, l'enseignement des cours réguliers d'arménien, donnés par les sections Lyonnaises de l'UGAB et du Hamaskaοne. Mais à la veille de la Seconde Guerre mondiale, toutes les associations arméniennes sont dissoutes par un décret gouvernemental, à l'exception d'une seule: l'Union Nationale Arménienne, reconnue par les autorités locales pour son caractére religieux et communautaire. Une association au sein de laquelle allaient s'illustrer de nombreuses personnalités comme Krikor Saradjian, Napoléon Bullukian et Djibraοl Bahadourian, appelé "le patriarche", et grande figure marquante de la communauté Lyonnaise, fondateur aussi en 1929 de la célébre "maison Bahadourian", spécialisée dans le négoce de produits orientaux. La vie religieuse des Arméniens-apostoliques, évangéliques et catholiques-se déroulait dans la période d'entre-guerres, dans diverses salles aménagées en lieux de culte. Mais en 1954, le président Edouard Herriot posait la première pierre de l'église arménienne Saint-Jacques (Sourp Hagop). Eglise consacrée en 1963 par Mgr Sιrovpι Manoukian, prélat du catholicossat arménien pour l'Europe. Dressée rue d'Arménie, sous la conduite de Mgr Norvan Zakarian, cette église allait progressivement réunir autour d'elle, dés 1980, la majeure partie de la vie associative culturelle, éducative et communautaire de Lyon et de ses environs. Avec une école quotidienne arménienne, mise en place en 1982. Un établissement qui allait quelques années plus tard se transformer en école Markarian-Papazian que nous connaissons aujourd'hui. Un "espace Garbis Manoukian" abritant bibliothéque, salle de spectacle et de réunion, complètent la structure de ce foyer culturel et religieux qu'est devenu le complexe de l'Eglise arménienne Saint-Jacques de Lyon.
Le CDCA, puissant à Lyon, organise la revendication politique La vie politique arménienne de Lyon, devait également connaître à la fin des années 1970 et début 1980, son "âge d'or". En réaction au rejet du fameux "paragraphe 30" par la sous-commission de l'ONU chargée des crimes contre l'humanité, l'oubli du génocide arménien dans le rapport officiel, devait provoquer la grande colère des Arméniens de France. En 1973 à Lyon, sous la conduite du puissant CDCA (Comité de Défense de la Cause Arménienne), un groupe de militants de la FRA Dachnaktsoutioun (Jules Mardirossian, Mihran Amtablian, Kévork Képénékian, Vahé Muradian, Robert Aydabirian, Maral Assadourian, Hilda Tchoboοan...) établis au siége de la MCA de Décines, lançaient une grande campagne de sensibilisation au sujet de ce fameux "paragraphe 30", exigeant l'inscription du génocide arménien dans ce rapport de l'ONU. Un vaste mouvement qui devait aboutir, des années plus tard, avec l'appui des organisations politiques de la diaspora, à la reconnaissance et la condamnation par le Parlement Européen, du Génocide Arménien, en juin 1987. Avec son organe de presse, "France-Arménie", le CDCA, profitant des années fastes en revendications (ASALA, Justiciers du Génocide arménien) avait su habilement politiser la question arménienne, tout en mobilisant la communauté arménienne de Rhône-Alpes, avec sa capitale, Lyon. Un mouvement aujourd'hui essoufflé avec l'avènement politique de l'Indépendance de l'Arménie et la naissance de structures communautaires nationales comme le "Comité du 24 Avril".
La communauté arménienne d'aujourd'hui Aujourd'hui, les trois partis politiques arméniens dits "traditionnels" de la diaspora (FRA, ADL-Ramgavar et Hentachks), ainsi que leurs organisations "soeurs", disposent encore à Lyon d'une certaine force au sein de la communauté arménienne. Avec néanmoins une baisse progressive de leurs poids respectifs auprès de cette communauté moins politisée, et peut-être un peu plus intégrée à la société française... Quelque peu dépassées par la rapidité des événements survenus en Arménie depuis 1987, souvent incapables sous le poids de leurs structures rigides de réagir, les organisations arméniennes semblaient parfois dépassées par les événements. Et la rapidité du monde arménien, en mutation accélérée tant en Arménie qu'en France. L'érosion de leurs rangs, favorisera la formation de quelques nouvelles structures associatives, pour la plupart à caractère humanitaire. Un développement qui fit suite au séisme arménien de décembre 1988 et l'Indépendance de l'Arménie en septembre 1991. Aujourd'hui Lyon est jumelée avec Erévan depuis mai 1992, le maire de l'époque, Michel Noir se rendant dans la capitale arménienne afin d'officialiser ce jumelage. Lyon, la seconde ville de France et sa proche banlieue, à l'exemple de l'ex-ministre de la Défense et maire de Villeurbanne, Charles Hernu, proche des Arméniens, avaient su donner au début des années "socialistes" (1981), un élan favorable à l'établissement de multiples relations avec l'Arménie.
L'émergence de nouveaux cadres d'origine arménienne, dans la vie publique française Aujourd'hui, la région Rhone-Alpine compte plus d'une quarantaine d'élus d'origine arménienne, dont deux adjoints au maire (Varoujan Krikorian à Villeurbanne et Noubar Kéchichian à Valence). L'émergence politique de la communauté arménienne avec cette participation aux affaires publiques, d'élus de cette troisième et quatrième génération d'Arméniens nés en France est l'acte d'intégration réussie. Villeurbanne est jumelée avec Apovian, Vienne avec Goris, Décines avec Stépanavan. Et Valence, à 100 km au sud de Lyon, est jumelée avec Itchévan. Des relations privilégiées avec l'Arménie qui traduisent la parfaite intégration des Arméniens à la vie publique locale. Lyon, la capitale française de la gastronomie dispose également de nombreux restaurants arméniens (Vart'Anouche, Le Chiche, Karnig, Freedom...) qui sont autant d'ambassades de la culture culinaire arménienne. Succédant à Vahé Muradian à la tête de l'association Lyon-Erévan (APECLE), Arthur Derderian, carrure de rugbyman, ne ménage pas ses efforts afin d'oeuvrer au rapprochement de la coopération et du développement des relations économiques et culturelles entre Lyon et Erévan. "Radio Arménie" crée en 1984 à Décines et "France-Arménie", organe du CDCA, lancé en 1982, sont deux des principaux médias de l'agglomération Lyonnaise. Des outils d'informations fort utiles pour la communauté, même si leur ligne politique, très proche de la FRA-dont elles émanent indirectement placent parfois les informations dans l'arbitraire. Lyon dispose également d'une Chaire d'arménologie à l'Université catholique, financée en partie par la Fondation Napoléon Bullukian, sise à Champagne au Mont-d'Or, dans la banlieue Lyonnaise. Une fondation gérée depuis de nombreuses années par le célèbre professeur Pierre Marion, selon son principal financier, l'homme d'affaires Napoléon Bullukian. Une Fondation Bullukian qui attribue également des fonds à quelques activités arméniennes de France.
Quel avenir pour les Arméniens de Lyon ? Mais Lyon n'échappe pas à la règle, et depuis quelques années déjà, un net ralentissement des activités communautaires est remarquée. Effet du séisme qui a demandé tant d'efforts à la communauté. Effet de l'Indépendance de l'Arménie et d'absence de revendications politiques ? Ou tout simplement, début d'assimilation ? Nul ne peut aujourd'hui analyser réellement les causes de ce phénomène perceptible. Même si un Lyonnais d'origine arménienne nous déclare "quel que soit la situation des Arméniens en ce XXIe siècle, il restera toujours, même dans cinquante ans, des gens qui se réclameront de cette origine arménienne qui est en nous à vie !". L'avenir en sera le meilleur juge....Rendez-vous dans cinquante ans ! Krikor Amirzayan Journaliste-caricaturiste |
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