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Reportage/Haut-Karabagh

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CHOUCHI, LA BELLE ARMENIENNE

            

Des dizaines de tracteurs-pelleteuses sèment le route reliant Stépanakert à Chouchi. De longues files de camions drainent des millions de mètres cubes de gravats, de roches et d'asphalte. Derniers travaux de la dernière portion de la "route de la vie" financée par le Fonds Hayastan.

"Chouchi la belle", la troisième ville de Transcaucasie au début du XXe siècle, dresse fièrement ses remparts imprenables devant le visiteur. Située sur une montagne dominant Stépanakert, à quelque onze kilomètres de là, Chouchi dispose d'un charme unique.

A l'entrée de la ville, la sinistre prison aux murs blancs, d'où partaient les charges des missiles Grad en direction de la capitale du Haut-Karabagh, semant la terreur et la mort. Une prison également de sinistre mémoire pour les dizaines d'Arméniens, qui y furent torturés à mort durant la récente guerre d'indépendance.

La ville, reconquise en 1992 est aujourd'hui en reconstruction. Plus de 8000 Arméniens y habitent déjà. Logés dans d'anciens immeubles réaménagés ou quelques rares constructions nouvelles, ces nouveaux habitants redonne vie à une cité qui était jadis le coeur culturel, politique et social du Haut-Karabagh. Chouchi dont le rayonnement dépassait même les frontières de la Transcaucasie...

Le réouverture récente de la magnifique cathédrale Sourp Ghazandjélots, toute magnifique dans ses habits blancs, est le témoin vivant de cette histoire tourmentée des Arméniens de la région. Des Arméniens qui furent chassés de la ville au début du siècle, après d'effroyables massacres. Une ville qui devint Azérie, sous l'ère soviétique.

Chouchi porte encore de larges stigmates de la récente guerre. Des centaines d'immeubles et maisons détruites ou brûlées. Des bâtiments éventrés par des éclats de missiles. Des rues et routes défoncées. Chouchi la belle a un visage défait. "Lorsque les Turcs (comprendre Azéris) ont fui la ville, ils ont tout emporté avec eux, même les portes et fenêtres de leurs maisons..." dit Souren Kevorkian, un combattant arménien des forces d'autodéfense du Haut-Karabagh.

Lieu stratégique d'importance capitale, les tirs des roquettes et autres missiles Grand partaient de ces hauteurs pour semer la désolation et des ravages sur Stépanakert, situé en contrebas.

Pour les Arméniens de la capitale du Haut-Karabagh, la prise de Chouchi devenait alors une question de vie ou de mort. Une poignée de combattants Arméniens volontaires part alors à la conquête de Chouchi. Un commando qui parvint miraculeusement, en quelques heures à entrer dans la ville et lancer la conquête. Utilisant le seul accès de l'entrée vers cette ville-citadelle: la route sinueuse et dangereusement placée à portée des tirs des canons Azéris.

Le premier char arménien, tombé lors de cet ultime assaut victorieux, en mai 1992, témoin de la violence des combats est aujourd'hui présenté comme un monument dédié à la mémoire des héros Arméniens. "La prise de Chouchi, c'était un peu comme l'histoire de David contre Goliath. Imaginez quelques dizaines d'Arméniens kamikazes, partis presque à découvert, à l'assaut d'une ville qui était une véritable garnison militaire avec des milliers de soldats Azéris ! " reprend Souren Kévorkian et d'ajouter "la prise de Chouchi est l'une des plus belles pages de l'héroïsme du peuple arménien et sur le plan militaire, c'est un cas unique qui sera étudié par nombre d'Académies militaires....".

"Les Turcs avaient transformé Sourp Ghazantchélots en dépôt de munitions. Sachant que les Arméniens refuseraient de bombarder leur propre église" reprend Souren Kévorkian en nous faisant visiter l'édifice. A l'intérieur de la cathédrale, près de l'autel, un enfant d'une dizaine d'années, agenouillé, prie en silence. "C'est pour le repos de l'âme de mon père qui est mort lors de la prise de Chouchi" nous confesse l'enfant d'une voix grave, laissant échapper une goutte de larme au coin de l'oeil d'un bleu azur. Rencontre poignante qui marquera à jamais ma mémoire. Le constat du prix de la liberté, acquise chèrement contre sang et larmes...

 

                                                                                            Chouchi (Haut-Karabagh)

                                                                                             Krikor Amirzayan 

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